Partager la publication "Masters 1000 sur 12 jours, balles, conseil des joueurs de l’ATP, Gilles Simon donne son avis sans langue de bois"

Samedi 28 octobre, le premier jour des qualifications du Rolex Paris Masters 2023 était diffusé sur Twitch sur la chaîne du streameur Rivenzi. Ce dernier était accompagné par PoneeeyClub, un autre streameur, et Gilles Simon dans le rôle du consultant.
Un an après la fin sa carrière professionnelle, à Bercy, Gillou reste un fou de tennis. Il suit tout, les Futures, les Challengers, le circuit ATP. A l’occasion de cette journée de streaming, on a demandé au Professeur son avis sur trois sujets importants dans le monde du tennis.
Une deuxième partie de l’entretien avec l’ex-n°6 mondial consacrée à sa vie ces douze derniers mois, à sa culture des jeux videos, et à sa vision du consultant tennis à la télévision sera publiée dans les prochains jours.
« Pas aimé du tout les Masters 1000 sur 12 jours »
« Gilles, tu regardes et suis énormément le tennis, je t’annonce un thème et tu me dis ce que tu en as pensé cette année. Les Masters 1000 sur 12 jours.
Pas aimé du tout. En plus, c’était un combat que j’avais à l’ATP et je sais que les joueurs se sont fait bien avoir sur plein d’autres choses, mais le format de 12 jours, je n’ai pas aimé parce que, putain, c’est long à suivre. En fait, ça te fatigue et quand tu fais 12 jours Madrid, 12 jours Rome, tu arrives à Roland, et le fait que Roland soit quasiment dans le même format, tu te dis « Là, je repars pour deux semaines à chaque fois. »
J’avais déjà ça sur Indian Wells / Miami. Si tu veux suivre un des tournois assidûment, tu ne suis pas le deuxième. Tu me parlais de jeux vidéo avant (Dans une deuxième partie de l’interview), c’est un peu ça. Quand je fais un gros jeu d’aventure d’une centaine d’heures, après, j’aime bien avoir un jeu court de 10, 15, 20 heures, de ne pas repartir dans un truc long. Et là, j’avais un peu ce truc. Putain, tu repars pour un tournoi de 12 jours, c’est long à chaque fois. Alors, si tu arrives à le suivre jusqu’au bout et qu’en back-to-back, on t’en remet un de 12 jours derrière, j’ai trouvé que c’était long.
Les échos des joueurs sont les mêmes ?
Il y a des joueurs que ça va moins gêner. Novak, de toute façon, il fait une saison à 10 tournois, donc lui, il n’en fait qu’un. Ça ne change pas grand-chose, ça laisse des jours de repos. Si dans le calendrier, on t’a mis un autre tournoi entre les deux, tu peux te débrouiller, mais en tant que spectateur, en tout cas, je n’ai pas aimé. Je suis quand même pour le coup assez passionné de tennis. J’ai la passion de suivre un Grand Chelem 15 jours. Je n’ai pas la passion de suivre un Masters 1000 15 jours. Parce qu’on me dit 12, mais j’ai l’impression que c’est 15.
« Les balles, c’est une catastrophe. »
Autre sujet, les balles.
Les balles, c’est une catastrophe. Je m’en suis plein depuis longtemps mais cela s’est vraiment détérioré avec le Covid. C’est un énorme changement de jeu. Les gens sont toujours là, les surfaces sont lentes, mais là, le problème, ce ne sont pas les surfaces, c’est que même en mettant une surface rapide, quand on joue avec des balles dégonflées, le jeu est tellement ralenti, que forcément, ça avantage trop un type de jeu par rapport à un autre. Il faut savoir frapper toutes ses forces dans chaque balle, puisque maintenant, quoi qu’il arrive, on contrôle la balle. On voit des mecs qui frappent de toutes leurs forces, même pas placés et ça rentre quand même. Comme si on jouait avec des balles vertes avant. Au début, les joueurs trouvent ça agréable parce qu’on contrôle. On a l’impression de bien jouer, c’est cool.
Et quand on commence à ne voir que des rallyes de 60 frappes, c’est le moment où les joueurs s’en plaignent. Et c’est 60 frappes, hein. Ça ne pousse pas la balle, comme moi avec Gaël (Monfils). Non, c’est 60 balles où tu vois les mecs envoyer, bam, bam, bam, de toutes leurs forces sans rater. Forcément, il y a un moment où ton corps le sent. Alors, les plus jeunes, ça va. les plus vieux, ils vont le sentir dans le coude, dans le bras, dans l’épaule.
Mais surtout, je trouve que c’est un peu dommage pour le jeu. Parce que j’ai toujours pensé que le tennis, ça se jouait soit avec des balles lentes, des balles qu’on maîtrise sur des surfaces rapides, soit l’inverse. Balles rapides, terrains rapides, c’est compliqué parce que c’est vite un concours de services. Et balles lentes, terrains lents, alors là…
Il faudrait faire quoi donc ?
Un mix. Soit balles rapides, terrains lents. Moi, je préférais terrains rapides, balles lentes. C’est là où j’étais le plus fort. Mais voilà, on a beaucoup de terrains lents, balles lentes. Et c’est compliqué.
« L’ATP ne représente pas les joueurs »
Dernier thème. Tu as été membre du Conseil des joueurs. Concrètement, comment cela fonctionne ? Et quel est votre pouvoir de décision, d’influence ?
Alors je vais être très sévère, mais concrètement, l’idée pour les dirigeants de notre sport est de pouvoir dire que les joueurs ont un mot, “qu’ils sont fameux”, c’est leur expression, qu’ils sont assis à la table de négociation, et d’expliquer que c’est une chance pour eux d’être assis à cette table car ce n’est pas le cas dans les autres sports, blablabla. À l’arrivée, je vais résumer la situation : on est assis à la table de négociation mais la table de négociation est dans un train qui ne va que dans une direction. Il suit le rail, et il va là-bas. Et peu importe ce qu’on va dire, peu importe ce qu’on va faire, on n’a pas le temps de le faire. Ils nous cachent des informations, ils nous donnent que les informations qu’ils désirent, et on ira là où ils veulent aller. Donc, soi-disant on négocie, mais on est juste otages, prisonniers de cette structure et les joueurs n’ont pas vraiment une voix là-dedans.
C’est quoi la différence avec le syndicat de Novak Djokovic ?
Le syndicat de Novak, si tous les joueurs y adhéraient, représenterait 100% les joueurs dans les négociations. Les joueurs seraient indépendants, puis il faut négocier avec l’ATP, avec les tournois, ce qu’il y a à négocier. Là, l’ATP qui nous représente ne représente pas les joueurs. Elle se représente d’abord elle-même, et même quand elle fait une négociation avec les Grands Chelems, elle se représente elle-même. C’est-à-dire qu’elle a des intérêts, elle fonctionne comme les tournois, elle a un Masters, elle a des tournois, elle a le Masters des jeunes, elle a une ATP Cup ou une United Cup, donc elle ne prend pas des décisions pour les joueurs, elle prend des décisions pour elle-même qui génèrent beaucoup d’argent, donc elle ne représente pas du tout les joueurs, soi-disant, à 50%. Donc, l’intérêt est d’avoir une organisation qui représente les joueurs à 100%.
Donc cela peut aboutir à du changement.
Il faut que les joueurs le comprennent. J’ai fait beaucoup le conseil des joueurs de l’ATP, je l’ai fait vraiment consciencieusement, en prenant beaucoup de temps, en mettant beaucoup d’énergie. J’ai eu des conseils de joueurs parfois très forts, avec Federer, Nadal dedans. Contrairement à ce qui est véhiculé, ils y sont, ils bossent, mais tu peux mettre qui tu veux, Rafael Nadal est tout petit à l’intérieur. Lui-même pense qu’il va réussir mais tout est déjà cloisonné. Même un joueur comme ça, il ne peut pas changer le truc. Si Federer, Nadal n’arrivent pas à le changer, c’est que ce n’est pas faisable. »
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