Partager la publication "Interview “souvenirs” avec Paul-Henri Mathieu"

La carrière professionnelle de Paul-Henri Mathieu a pris fin, dimanche 29 octobre 2017, au deuxième tour des qualifications du Masters 1000 de Paris-Bercy, face au Canadien Vasek Pospisil. Vainqueur de Roland-Garros Junior en 2000, Paulo, ancien n°12 mondial (son meilleur classement), raccroche les raquettes avec quatre titres ATP à son palmarès.
Son cri « Wahééééé », son image de guerrier, le reportage « Intérieur Sport » lui étant consacré, sa défaite contre Mikhaïl Youzhny en finale de la Coupe Davis 2002, et ses matches de légende face à Rafael Nadal et John Isner à Roland-Garros (2006 et 2012) resteront dans les mémoires des passionnés. Tennis Legend se devait donc de faire une interview souvenirs avec le tout jeune retraité. Entretien.
« Quelle image penses-tu que les gens garderont de toi ?
– J’étais un combattant avant tout. J’ai toujours essayé de faire le maximum, malgré les obstacles que j’ai pu avoir, et je voudrais laisser cette image.
Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?
– C’est difficile d’en sortir un. Les rencontres de Coupe Davis et les matches à Roland-Garros sont toujours des événements vraiment à part. Les victoires en tournoi sont également très importantes car on n’en gagne pas beaucoup, en général, dans une carrière.
Contre Isner, à Roland-Garros en 2012, “c’était vraiment un moment fort”.
Tu as joué plusieurs matches de légende à Roland-Garros. Quels souvenirs gardes-tu de ton affrontement contre Andre Agassi en 2002 ?
– C’était vraiment un rêve de gosse qui se concrétisait. Je jouais pour la première fois sur le central contre Agassi, qui était vraiment un exemple pour moi à l’époque. J’avais un peu cette insouciance de la jeunesse. Je n’avais peur de rien. J’étais vraiment à deux doigts de gagner ce match et de me qualifier pour les quarts de finale à Roland. Finalement, j’ai perdu en cinq sets, après une rencontre âprement disputée.
Même question pour ton match mythique face à Rafael Nadal en 2006.
– C’était un match intense, dur, autant physiquement que psychologiquement. Je savais avant la rencontre que j’avais peu de chances de m’imposer, mais je voulais jouer ma carte à fond. Je ne peux pas dire que j’étais proche de la victoire car j’ai perdu en quatre sets, mais on a joué 5h (Ndlr : 4h53 exactement) et on a fait un bon match des deux côtés. J’étais déçu de la défaite et surtout de l’avoir joué aussi tôt dans le tournoi (Ndlr : au troisième tour) car j’avais un très bon niveau à cette époque, et je me sentais capable d’aller plus loin cette année.
Et John Isner, en 2012, toujours à Roland-Garros. Tu en gardes quels souvenirs ?
– Isner en 2012, c’est autre chose. J’avais tiré un trait sur ma première carrière, avant l’opération, et je commençais la deuxième. C’était déjà une énorme victoire pour moi de rejouer Roland. Je jouais sur le Central, au deuxième tour, contre Isner, qui était vraiment en pleine bourre à l’époque. Il venait de gagner ses deux points en Coupe Davis contre les Français à Monte-Carlo, et c’était un sacré client, même sur terre battue. Le match a duré, duré, 18/16 au cinquième, et c’était vraiment un moment fort, une énorme victoire, qui valait largement un titre en tournoi. Mais l’édition 2012, de manière générale, m’a vraiment marqué car tous mes matches furent à rebondissement et j’avais été soutenu comme jamais par le public.
(Oui, la journaliste est une grosse tennix)
“J’ai vécu un match cauchemardesque contre Coria à Monte-Carlo.”
Tennistiquement, quel est le meilleur match de ta carrière ?
– Il y a un ou deux match(es) par an où on est dans la zone, où il ne peut rien nous arriver. C’est rare qu’il y en ait plus. Si je dois en sortir quelques-uns :
- Celui contre Marat Safin en 2002, quand je l’ai battu, chez lui, en demi-finales à Moscou.
- Pete Sampras, à Long Island en 2002 également.
- Après, il y a des matches qui parlent moins. J’avais joué Albert Montanes en finale du tournoi de Casablanca en 2007 et j’avais gagné 6/1, 6/1. J’avais battu aussi Roddick, au premier tour à Montréal en 2005 (7/5, 6/3).
Et quel est ton pire match ?
– Là, on en a plus (rire). Tous les ans, on a des ratés. C’est plus facile d’en avoir car, si on se laisse un peu aller, cela va beaucoup plus vite. Après, j’ai vécu un match cauchemardesque, pas forcément par le niveau de jeu, contre Coria à Monte-Carlo en 2006. Je gagnais 6/1, 5/1, j’ai balle de match, j’arrive à perdre. Pour me punir après la rencontre, j’étais allé faire un footing de deux heures.
Quel est le pire souvenir de ta carrière ?
– Les défaites à Roland-Garros et les défaites en Coupe Davis sont toujours difficiles à digérer car ce sont des événements que l’on attend, pour lesquels on se prépare depuis tout petit. Ma défaite en quarts de finales des Jeux Olympiques à Pékin, en 2008, m’a beaucoup marqué également. Je m’étais fait un objectif des Jeux, j’étais aux portes de jouer pour une médaille, et cette défaite avait été très douloureuse.
La défaite contre Youzhny : “Si je m’étais troué, on n’en n’aurait jamais parlé.”
Avec le recul, étais-tu prêt à vivre ce match face à Mikhaïl Youzhny en finale de la Coupe Davis 2002 ?
– Si on revoit le contexte, je n’étais pas forcément prêt pour jouer la finale car je m’étais blessé juste avant, à Bercy. La saison était vraiment finie pour moi. On m’avait rappelé en tant que sparring et, finalement, au fil des entraînements et des aléas de l’équipe, j’ai été amené à jouer. Donc, cela s’est fait au dernier moment et je n’étais pas forcément prêt physiquement et psychologiquement. D’un autre côté, je suis passé à deux points de la victoire, donc j’étais dedans malgré tout.
Penses-tu que cette défaite a eu un impact sur ta carrière ?
– C’est difficile à dire, mais je trouve cela triste que l’on résume ma carrière à ça. J’avais 20 ans, et si je m’étais troué lors de ce week-end, on n’en n’aurait jamais parlé. On évoque toujours ce match en me disant que cela m’a traumatisé, mais j’étais loin d’être passé à côté de l’événement. C’était un rêve de gosse de jouer une finale de Coupe Davis. Il y avait une ambiance incroyable et cela reste un bon souvenir malgré la défaite. Et, finalement, il ne faut pas oublier que j’ai perdu contre Youzhny, qui était mieux classé que moi (Ndlr : 25e mondial. PHM était 36e), et qui a eu une meilleure carrière que moi.
“Je gardais la même douche et je mangeais la même chose si je gagnais.”
Plus généralement, avec tes blessures, ton parcours, penses-tu être passé à côté d’une très grande carrière ?
– Honnêtement, je n’y pense pas. Je ne vais pas vivre avec des regrets. J’étais quelqu’un de fragile physiquement. Mentalement, j’étais loin d’être fragile. J’avais le mental et les capacités psychologiques pour être tout en haut, mais je n’avais pas le physique pour. Tout simplement.
As-tu en mémoire une anecdote insolite durant ta carrière ?
– Une anecdote, non, mais j’avais quelques grigris. Quand j’arrivais sur un tournoi, je choisissais une douche, et je gardais la même pendant tout le tournoi. Ce sont des choses auxquelles je faisais attention à mon début de carrière et j’ai essayé de m’en détacher au fil des années. Sinon, comme truc con, il y avait les repas de la veille. Si je gagnais le lendemain, je reprenais toujours la même chose. Dans les dernières années, pour me détacher de cela, je me forçais à prendre une douche différente à chaque fois. Si on commence à faire cela, nos journées sont rythmées par rapport à nos grigris et on ne s’en sort plus.
Ta blessure en 2011 (Ndlr : PHM dut se faire briser la jambe pour la remettre droite) a-t-elle changé ta vision du tennis ?
– Oui. Cela a mis fin à ma première carrière. Je savais que je n’allais pas retrouver le niveau que je pouvais avoir avant. L’objectif était déjà de pouvoir rejouer au haut niveau et de reparticiper à des gros tournois.
“Je n’avais pas le physique pour faire une grande carrière.”
L’Intérieur Sport qui en a découlé est mythique dans le milieu du tennis.
– Le reportage a touché beaucoup de personnes. Il était très bien tourné également. Cela permettait de rentrer dans l’intimité d’un sportif de haut niveau, de montrer l’envers du décor et que l’on pouvait être amené, comme d’autres personnes, à recommencer à zéro du jour au lendemain pour espérer pouvoir refaire son métier un jour. Mais, excepté au moment où il est sorti, je ne l’ai jamais revu.
Tu as évoqué récemment, dans une interview à nos confrères de l’Equipe, ton rapport à la douleur. Cela fait combien de temps que tu n’as pas eu mal en jouant au tennis ?
– J’ai toujours eu mal. On joue toujours avec des petites douleurs. Ce sport est tellement complet, toutes les parties du corps sont tellement sollicitées, qu’il y a toujours des petites douleurs qui apparaissent. La question est de savoir ensuite si on peut gérer la douleur ou pas. En tout cas, la prise d’anti-inflammatoires ne va pas me manquer. J’ai en pris des milliers et des milliers.
Tu as également été le dernier joueur à battre deux légendes du tennis, Pete Sampras et Gustavo Kuerten.
– Kuerten, quand je l’ai joué à Roland-Garros, il n’était quasiment plus sur le circuit. C’était une sensation étrange de jouer contre lui sur le Central car j’avais plus l’impression de faire une exhibition qu’autre chose. Ce n’était pas évident. La victoire contre Sampras a plus de valeur car il gagne l’US Open la semaine suivante, puis il arrête sa carrière. C’était la première fois que je jouais contre lui, et je suis content d’avoir pu le battre et d’avoir été le dernier à le faire. »
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