Partager la publication "Antoine Hoang l’ambidextre : « Sur certains matches, je me suis amusé à jouer que de la main gauche »"

A 23 ans, Antoine Hoang, 147e mondial dispute son premier Roland-Garros en 2019 et il a battu Damir Dzumhur, 52e au classement ATP, en quatre sets (6/4, 0/6, 7/6, 6/3) pour son premier match en Grand Chelem. Le Toulonnais est un Tennis Legender et il a une particularité insolite. Il est ambidextre au tennis. Aujourd’hui, le jeune Français ne joue plus que de la main droite mais il s’est entraîné pendant des années à jouer des deux mains. Avant son entrée aux Internationaux de France, Tennis Legend a rencontré le Tricolore. Un entretien croustillant réalisé dans la bonne humeur.
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« Entre 2017 et 2019, tu as pris 300 places au classement ATP, quel a été le déclic ?
J’ai eu un premier déclic quand j’ai commencé à gagner des 25000$ (Ndlr : tournois Futures), à Plaisir notamment. J’ai passé un cap mental en gagnant plusieurs matches accrochés 6/4 au der, 7/5 au der, et je suis un peu sorti de la croyance que j’allais mouillé sur les moments importants. A partir de ce moment-là, je me suis donné le droit de gagner des matches qui me paraissaient compliqués.
Ensuite j’ai joué mon premier « Chal » (Ndlr : Challenger) il y a un an, à Rennes, et j’ai passé un autre cap après l’US Open. Je me suis remis en questions en me disant : « Que veux-tu vraiment ? » et il fallait que je m’engage encore plus à fond dans ce que je faisais. C’est ce que j’ai fait.
« T’engager plus », c’est-à-dire ?
Je suis un peu du style à penser matin, midi, et soir au tennis et j’avais un peu perdu cela. J’essaye de tout faire bien pour réussir, même si ce n’est pas parfait, de me donner à fond, pour n’avoir aucun regret.
Mentalement, as-tu fait tomber toutes les barrières ?
C’est un peu lié. Si tu fais bien les choses hors du terrain, tu es bien mentalement sur le terrain. Tu n’as aucun regret sur la préparation et tu ne culpabilises pas. Quand je ne fais pas le maximum et que je me retrouve dans le dur, je me dis : « Putain, si j’avais fait deux heures de physique en plus, j’aurais été mieux », et ce genre de pensées te fait du mal sur le terrain. Si je me prépare bien, dans le bon état d’esprit, une fois que je suis sur le terrain à 5/5, je sais que je n’aurais rien à regretter et j’arrive à avoir une sorte de détachement.
“Uniquement de la main gauche, je jouais 2/6.”
Tu as la particularité d’être ambidextre. Raconte-nous.
Quand j’étais plus jeune, vers 11/12 ans, je commençais à avoir des problèmes à l’épaule et j’ai commencé à m’entraîner de la main gauche pour passer le temps. Je pouvais faire une demie heure main droite, puis cela commençait à tirer un peu et on ne voulait pas forcer, donc j’ai commencé à finir mes entraînements de la main gauche et à vite progresser.
Tu faisais donc coup droit main droite et coup droit main gauche ?
En fait, j’étais capable de tout faire : des revers main gauche à une main, servir en droitier et en gaucher. A un moment donné, mon père a voulu que je m’entraîne des deux mains pour créer un jeu ambidextre et privilégier les diagonales coup droit. Mais il est dur de ne pas avoir de revers. Quand la balle vient vite, tu es obligé de faire un revers. Il m’a appris à tout faire de la main gauche de 13 ans à 17 ans et cela m’amusait.
Tu es monté jusqu’à combien ?
Je jouais 2/6, 1/6, même parfois un peu mieux. A Saint-Cyprien, à 17 ans, je savais que j’avais un premier tour assez simple. J’avais joué des deux mains. Je faisais service de droitier côté des égalités et service de gaucher du côté des avantages. Sur les matches un peu plus difficiles, je jouais plus main droite. Sur certains matches, je me suis amusé à jouer que main gauche pour me donner des défis ou alors main droite – main gauche. Du coup on me demandait : « cette fois, tu vas jouer de quelle main ? » (rire).
A la base, tu es droitier ?
Oui, un pur droitier. Et dans la vie de tous les jours, je suis droitier. Maintenant, je ne joue plus trop de la main gauche. Je fais des coups de temps en temps sur des smashs ou des passings.
A partir de quel moment as-tu décidé de reprendre uniquement de la main droite ?
En montant dans le niveau, je me suis rendu compte que c’était déjà dur de tout faire bien avec une seule main. Il vaut mieux faire moins, mais bien le faire. J’avais aussi tendance à me perdre dans tous les choix que j’avais. En termes de qualité de frappe, j’y arrivais bien mais en termes de projet de jeu, c’était compliqué. J’avais limite trop de choix (rire).
Uniquement de la main gauche, tu joues combien ?
Quand je m’entraînais, je jouais 2/6 je pense.
Donc tu peux faire tweener main droite et tweener main gauche ?
Non, entre les jambes, je n’arrive pas main gauche (rire). Il faudrait que j’apprenne. Après, j’arrive à faire smash, revers à une main, chip, coup droit, un peu tout.
“J’ai dormi quelques tournois dans ma voiture.”
Sur des tournois Challengers, nous t’avons déjà vu faire des passings de la main gauche.
Je le fais souvent quand je suis, soit en confiance, soit un peu perdu en roue libre, mais je le fais de façon instinctive.
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Tu as prévu de faire un petit coup droit main gauche à Roland ?
Je ne sais pas. On va voir. Si je le fais, tu le publies. (rire)
Tu as commencé les Futures en 2014 et les Challengers depuis 2018. Quel est le pire tournoi auquel tu aies participé ?
J’ai beaucoup joué en France. Je n’ai pas fait de tournoi traquenard en Amérique du Sud, en Afrique, ou en Asie. J’ai joué beaucoup en Tunisie, dans les All Inclusive, et c’est très répétitif. Tu as l’impression d’avoir la même routine tous les jours. Après, j’ai joué à Castelo Branco au Portugal, avec les chèvres au bord du terrain. Quand on fait des Futures, on baroude un peu.
Tu as déjà eu des galères de voyage ?
En fait, il s’agit surtout de faire des économies. On ne gagne pas beaucoup d’argent donc on utilise le système D à chaque fois. Quand j’ai eu le permis, je voyageais beaucoup avec ma voiture. J’ai dormi quelques tournois dans ma voiture. Je me suis retrouvé dans un tournoi en Allemagne où je dormais à côté du club. Tous les matins, j’arrivais à 8h pour me doucher. A un moment donné, les gens du club m’ont proposé de m’héberger gratuitement.
Tu leur as fait pitié, quoi ?
Un peu. (rire) J’avais bien joué en plus. J’avais fait finale et tout le monde me supportait. Finalement, j’y suis retourné l’année d’après et je leur ai demandé s’ils pouvaient m’héberger et ils avaient dit oui.
Quand on est Wild Card à Roland-Garros, on préfère tomber sur une légende Nadal, Djokovic ou Federer sur le central ou tomber sur un tour totalement abordable ?
Franchement, on n’attend pas grand-chose entre guillemets dans le sens où on n’est pas favoris à chaque fois. Rien que de jouer un Roland, c’est déjà kiffant. J’ai déjà du mal à réaliser que je suis à Roland. Je l’ai plus connu à la télé qu’ici. Contre Dzumhur, je n’ai déjà rien à perdre et j’aurais eu le même état d’esprit contre un joueur encore plus fort.
T’attends-tu à être stressé pour ton premier Roland ?
Je ne sais pas trop. Je n’espère pas. Il y a de l’excitation plus que du stress, du bon stress, et l’envie de bien faire. J’ai surtout du plaisir d’être là et si je fais ce qu’il faut, je devrais en faire beaucoup d’autres dans ma carrière. C’est une étape et je relativise comme cela.
Quel est le point que tu rêverais de faire ?
Un passing main gauche. Je suis un peu le seul à faire ce coup donc j’aimerais bien.
Tu nous le dédicaces si tu le fais ?
Oui, je te ferai un signe (rire). »
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