Partager la publication "Entretien avec Marc Maury, une voix connue de tous dans le tennis français"

Paul-Henri Mathieu a dit un jour à propos de Roger Federer : “Le plus dur, c’est à l’échauffement, quand ils égrènent son palmarès. Là, il vaut mieux se boucher les oreilles.” Le responsable le plus connu en France de cette torture auditive pour Paulo se nomme Marc Maury. Son nom ou son visage vous sont peut-être étrangers, mais sa voix est connue de tous dans le milieu du tennis français.
Vous ne voyez toujours pas ? Un autre indice :
« Le joueur en blanc, à gauche de la chaise d’arbitre, est né à Manacor en 1986. Il mesure 1m85. Passé professionnel en 2001, à l’âge de 15 ans, il a remporté 75 titres dans sa carrière, dont 16 tournois du Grand Chelem et 30 Masters 1000. Son meilleur résultat au Rolex Paris Masters est une finale, en 2007, face à David Nalbandian. Cette saison, il s’est imposé à Monte-Carlo, Barcelone, Madrid, il a gagné son 10e Roland-Garros, l’US Open et le tournoi de Pékin. Il s’est qualifié en quarts de finale en disposant du Coréen Hyeon Chung et de Pablo Cuevas au troisième tour. Il occupe actuellement la place de n°1 mondial, il est Espagnol, Rafaeeeellllllll Nadaaaaaallllll. » L’homme derrière ces présentations dans de nombreux tournois en France, c’est donc Marc Maury, et Tennis Legend l’a interviewé au Masters 1000 de Paris-Bercy 2017. Entretien.
« Je ne pensais sincèrement pas en faire un métier. »
« Tu es une voix connue dans le milieu du tennis mais comment en es-tu arrivé à faire présentateur d’événements sportifs ?
– Mon premier sport n’est pas le tennis. Je viens de l’athlétisme que j’ai pratiqué à un bon niveau. Un jour, je devais faire les championnats de France de décathlon, mais j’étais blessé et l’entraîneur national m’a dit : “Tu ne vas pas passer deux jours dans les tribunes à ne rien faire, donc prends le micro et tu vas présenter pour tout le monde le décathlon. Je vais te donner un journaliste avec toi, qui ne connaît pas ce sport, et tu vas l’aider à le découvrir.” Ça a plu. J’en ai refait, mais je ne pensais pas en faire un métier, puis Gilles Moretton, qui m’avait vu sur une compétition d’athlétisme, est venu me chercher et on a commencé avec le Grand Prix de tennis de Lyon en 1994. La même année, des gens de la Fédération sont venus à Lyon et ils ont demandé à Gilles s’ils pouvaient me prendre. Donc j’ai fait mon premier Bercy en 1994. Ensuite, j’ai fait Marseille, Monaco, Toulouse, et je suis rentré dans le tennis comme cela. Deux ou trois ans plus tard, j’ai commencé à rentrer dans le rugby et ainsi de suite. Je ne pensais sincèrement pas en faire un métier quand j’ai commencé à prendre le micro. Aujourd’hui, je travaille essentiellement sur le tennis, l’athlétisme, le rugby, et le handball.
Les fameuses présentations des joueurs avant le début du match, quand et sur quel tournoi ont-elles commencé ?
– L’explication est simple. Avant 1993, c’était interdit par l’ATP et ils ont changé la règle. Ils ont autorisé la musique, les introductions de joueurs, les interviews avant la première balle et après la balle de match. Gilles (Moretton) m’a dit : “Fais-moi un format de présentation.” On a travaillé pendant deux/trois mois et on a été les deuxièmes dans le monde, après Indian Wells, et les premiers en Europe à faire une présentation avec de la musique au tournoi de Lyon en 1994. Certains esprits conservateurs du tennis ont dit : “Mais c’est inadmissible, ce n’est pas bien“, mais des joueurs comme Pete Sampras à l’époque ont aimé et validé l’initiative. Boris Becker m’avait dit au début : “Je ne suis pas sûr que cela soit si simple que ça.”, mais les joueurs ont joué le jeu et on a été un peu précurseur. Maintenant, le format de présentation de une minute par joueur pendant l’échauffement et les interviews derrière est copié dans tous les tournois. Gilles Moretton m’a dit un jour : “On aurait dû déposer ça car cela a été repris dans le monde entier et on aurait pu récupérer des dividendes (rire)”, mais ce n’était pas ça l’important. L’important, c’est d’avoir défriché et d’avoir été des précurseurs. Cela ne m’intéresse pas d’être connu, mais le fait d’être reconnu dans ce métier et dans le sport, et d’avoir laissé cette empreinte, cela me plaît.
Les présentations de joueurs de Marc Maury
« Jim Courier est la référence pour moi aujourd’hui. »
Aujourd’hui, qui sont les meilleurs speakers, pour toi, sur le circuit ?
– C’est difficile de citer des noms. On fait tous un peu la même chose, sur le même ton, et je les trouve tous bien. Thierry Eon, qui évolue avec moi à Paris, est excellent. J’ai beaucoup aimé le Chinois qui fait Shanghai. Après, il y a des différences en fonction du pays où on se trouve car le public ne réagit pas de la même façon. Lui, à Shanghai, il a dû faire un grand travail pédagogique avec le public car les gens ne savaient pas exactement quand applaudir et les quelques règles à respecter pendant le jeu. Mais la référence pour moi, maintenant, de ce qu’il doit se faire sur les Grands Chelems et les grands tournois, c’est Jim Courier. Il a beau être un ancien grand joueur, n°1 mondial quand même, il est excellent dans la façon de mettre en valeur la personne qui est en face de lui. Il est vraiment très fort.
Deux interviews géniales de Jim Courier avec Federer et Nadal à l’Open d’Australie 2017
“After 10 years, finally my girlfriend gets a wildcard to come here.”
???
Smooth Rafa… #AusOpen #Nadal pic.twitter.com/RK953jWZaX
— #AusOpen (@AustralianOpen) 23 janvier 2017
Du coup, tu as des fiches sur toutes les joueuses et tous les joueurs ?
– 650 fiches. La moitié, je ne m’en sers quasiment plus ou ponctuellement avec les anciens grands joueurs. Je les ai en double pour les grands noms car je ne veux pas les perdre. J’ai essayé d’utiliser un logiciel, mais je n’ai pas encore trouvé le bon. Tout ce qui est fixe, date de naissance, taille, etc., ça va, mais les changements réguliers, l’évolution des classements, des palmarès, le logiciel les reconnait mal, et ce n’est pas très bien. Pour le moment, je reste aux fiches et je fais les changements à la main.
« Rafael Nadal, c’est un bonheur. »
Cela fait des années que tu es dans le milieu et dans les coulisses du tennis. Tu dois bien avoir quelques anecdotes croustillantes.
– On en a toujours car on côtoie les joueurs. Quand j’ai commencé, je me souviens que j’étais assez impressionné d’aller voir certains grands joueurs. Boris Becker me regardait droit dans les yeux. Je l’interviewais en anglais, mais il comprenait le Français, et je savais qu’il allait me reprendre si ma traduction était un peu aléatoire. La première fois que j’ai fait Marc Rosset, il avait abandonné à Stockholm quelques jours avant, puis il gagne son premier tour à Bercy, et je lui demande : “ça va mieux après ton abandon à Stockholm ?”. Il me répond : “Mais ça n’intéresse personne, le public s’en fout.”, et il s’est fait siffler. J’ai mis du temps à lui expliquer que c’était une mise en valeur et non une question journalistique pour le piéger. Les premières fois que j’ai fait Agassi, il ne répondait jamais à ma question et il parlait tout de suite au public car c’était un showman.
Contrairement aux journalistes, tu n’es pas obligé d’avoir une barrière entre toi et les joueurs. Quels sont les plus sympathiques, les plus cool ?
Les joueurs français, dans l’ensemble, sont bien. Un gars comme Jo (Ndlr : Tsonga) est quelqu’un de très simple. Il a une super éducation, des parents vraiment top, mais un des joueurs qui, pour moi, n’a pas changé depuis que je l’ai rencontré la première fois en 2003, c’est Rafael Nadal. C’est un bonheur. La première fois que j’ai fait des interviews avec lui, il ne voulait pas parler anglais. J’avais fait espagnol en deuxième langue au lycée et je lui ai dit : “Je vais t’aider, mais je te demande ne pas parler trop vite pour que je puisse traduire”. Je l’ai fait et il m’en a toujours été reconnaissant. Dès fois, il accélérait, donc je lui demandais de ralentir et on a toujours eu de bons rapports. Avant chaque match à Roland, il vient toujours me checker la main, c’est devenu un rituel pour lui. Après, Djoko est toujours sympa car il est extraverti, donc c’est facile avec lui. Roger, c’est un gars très intelligent. Il sait exactement ce qu’il fait. »